On associe souvent la présence de plantes rares à des milieux naturels de secteurs bien préservés, comme en moyenne et haute montagne, par exemple. Or certaines d’entre elles poussent à notre porte, s’accommodant tant bien que mal des diverses pressions engendrées par les activités humaines.

Il en est ainsi d’un tout petit trèfle sauvage, le Trèfle tronqué (en latin, Trifolium retusum L., de la famille des Fabacées, encore appelées Légumineuses). Cette espèce germe, se développe, fleurit et meurt, non sans avoir libéré des graines pour assurer sa descendance, en l’espace de quatre mois tout au plus, entre avril et juillet. Elle n’attire pas le regard, avec ses quelques centimètres de hauteur et ses discrètes fleurs blanchâtres groupées en petites têtes globuleuses. Il ne viendrait pas à l’idée d’en faire des bouquets… Et c’est tant mieux, car le Trèfle tronqué est rare et protégé : en effet, il n’est connu en France que dans le Massif central (Loire, Haute-Loire, Puy-de-Dôme et Cantal) et dans la chaîne des Pyrénées (Pyrénées-Orientales).

 

Évènement suffisamment exceptionnel pour qu’il soit signalé, c’est dans le département de la Loire que l’espèce a été observée pour la toute première fois en France au XIXe siècle, par un botaniste du nom de Royer. Plus précisément, c’est au lieu-dit Fontberland, sur la commune de Lézigneux, que cette plante a été découverte ! Actuellement, le Trèfle tronqué est connu dans huit localités ligériennes, dispersées entre les Gorges de la Loire, la Plaine du Forez, mais surtout la frange inférieure des contreforts des Monts du Forez. La seule commune de Lézigneux accueille trois de ces huit populations, et sa voisine, Saint-Thomas-la-Garde, une.

 

Cette sauvageonne s’y rencontre sur des talus en bord de routes, notamment à Vidrieux, et sur l’emprise de chemins de terre. De fait, elle nécessite pour croître chaleur, soleil et lumière, conditions se trouvant réunies sur le sol nu des sentiers et des bermes routières, ainsi que dans les trouées générées lors de la fauche d’entretien de la végétation des talus. Elle craint en revanche la concurrence des herbes hautes et les sols trop riches en azote. Sa présence dans des milieux nettement anthropiques lui fait courir toutefois bien des dangers : piétinement, goudronnage des chemins, installation de mobilier urbain, constructions, plantation de végétaux d’ornement, épandage d’herbicide…

 

Le Département s’implique fortement dans la conservation des éléments les plus remarquables et menacés de sa flore. Un programme de « Préservation de la flore patrimoniale du département de la Loire » est ainsi mis en œuvre depuis 2008 par le Conservatoire botanique national du Massif central et le Conservatoire d’espaces naturels de Rhône-Alpes, avec l’appui de la Société de sciences naturelles Loire-Forez et de nombreuses autres structures partenaires. La sauvegarde de toutes les populations ligériennes de Trèfle tronqué fait partie des objectifs prioritaires de ce programme. La municipalité de Lézigneux a ainsi été informée de l’existence de cette plante sur son territoire et des pratiques de gestion favorables, consistant simplement en une fauche pas trop rase (pour ne pas blesser la plante) avec export des produits de coupe (pour ne pas enrichir le sol et « étouffer » le trèfle), à une période adaptée (pour lui laisser le temps de disséminer ses graines).

 

Les Lézignois peuvent donc être fiers de côtoyer au quotidien ce trèfle méconnu mais d’un très grand intérêt botanique, et auront peut-être désormais une petite pensée pour lui lors de leurs promenades sur les sentiers et routes de leur commune…

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