La société Saint-Vincent de la commune, dont le « premier procès verbal suivant la formation du nouveau syndic » date du 8 février 1905, est sans doute la première association lézignoise depuis la loi des associations de 1901 (droits et statuts des associations mise en place par Waldeck Rousseau, décret du 16 août 1901, toujours en vigueur). Elle est aussi la plus ancienne de la commune et est toujours florissante de nos jours, 109 ans plus tard, avec cent-trente et une familles sociétaires en 2014.
Son nom vient du saint patron des vignerons, Saint-Vincent, qui rassemblait presque la totalité de la population lézignoise, composée majoritairement, à cette époque, d’agriculteurs possédant presque tous une parcelle de vigne sur les coteaux de la commune. Sa vocation d’origine était d’accompagner les familles des défunts humainement et fraternellement, avec la présence obligatoire des sociétaires à toutes les messes d’enterrement et à l’inhumation au cimetière (sous peine d’une amende en cas d’absence) et d’aider au financement des obsèques pour les plus démunis. De nos jours, la société alloue la somme de 80 € pour un enterrement et « fait donner » une messe pour le défunt. Elle est depuis toujours gérée par un syndic, composé d’un président, d’un trésorier, d’un secrétaire et de responsables de chaque hameau du territoire lézignois.
Un seul registre des comptes depuis 1905.
Depuis la création de la société, un seul registre de compte a été complété depuis 109 ans. Un trésor ! qui, au fil des pages, est une véritable vitrine de la vie locale, miroir de sa petite histoire, écho de celle nationale. Ainsi, est-il notifié au cours des périodes de 1914 à 1918 et 1939 à 1945, « année de guerre, pas de versement de cotisations » pour les sociétaires et « il n’y a pas eu de pain béni » (pas de brioche). En 1916, une délibération des syndics présents atteste « que dorénavant les femmes des sociétaires auront droit au brancard neuf et au drap mortuaire pour être transportée à domicile », ces années de guerre, avec la majorité des hommes partis au front, donne les prémices d’un statut évolutif de la femme… La liste des quêtes pour les enterrements s’allonge dramatiquement durant la première guerre mondiale, avec son hécatombe de « morts pour la France ». Une indemnité est versée, chaque année, au garde champêtre qui apporte les convocations à un enterrement au syndic des hameaux. Des frais de cigarettes apparaissent parfois dans les colonnes de dépenses ! Et tant d’autres choses encore, que ce registre, qui offre encore des pages blanches numérotées pour une douzaine d’années, est à conserver bien précieusement. Quelques chiffres :
1905 2014
Nombre d’adhésion 108 131
Cotisation 1 franc 10 euros
Insigne obligatoire 50 centimes
Amende : absence 1 franc
oubli insigne 10 centimes
Achat bannière 200 francs
Messe 2 francs 16 euros
Sonnerie 2 francs
Procès verbal de la création de la société le 8 février 1905.
Certains des seize articles définissant la société, admis et acceptés par le syndics d‘alors, témoignent de la vie d‘il y a un siècle.
« Tous les sociétaires seront tenus expressément d’assister au service funèbre d’un confrère défunt, le comité sera chargé de maintenir l’ordre »
« Tous ceux qui n’assisteront pas à un enterrement, sans excuses légitimes, paieront une amende de 1 franc »
« Appel sera fait à la porte du cimetière afin de constater les absents »
« Tout sociétaire qui ne sera pas porteur de son insigne, … sera passible d’une amende de 10 centimes. »
« Les femmes, qui sont de la société, pourront tenir au lieu et place de leur mari dans un cas urgent… »
Toutes ces règles n’ont jamais été dénoncées lors d’un quelconque procès verbal et devraient donc, toujours être de rigueur !… Mais les temps ont bien changé, la population a évolué. Les toutes dernières amendes pour absences dateraient des années soixante.
Saint Vincent tournante
La Saint-Vincent tournante rassemble, depuis quelques années, les huit sociétés du même nom des communes des Montagnes du Soir : Pralong, Champdieu, Ecotay l’Olme, Saint-Thomas-la-Garde, Saint-Georges-Haute-Ville, Lézigneux, Saint-Romain-le-Puy, Saint-Marcellin. Elles se rassemblent une fois l’an, après la messe de la Saint-Vincent, autour d’un repas organisé successivement par l’une d’entre elle. Au cours de cette journée, un cep de vigne est planté sur le territoire de la commune organisatrice. En 2010, c’est Lézigneux qui a eu cet honneur. Côté plaine, ce sont la société Saint-Isidore, Saint-Patron des agriculteurs, que l’on retrouve. Saint-Vincent : Saint-Patron des viticulteurs : sans doute en raison de la phonétique du nom Vincent (vin et sang), le sang de la vigne.
Nathalie TOULY (janvier 2014)